Episode 2 : Sam et l’Anapath...
« Si on ne sait pas ce qu’il a, on ne peut pas le soigner ! »
Quentin Pascal, vétérinaire pathologiste chez OCR
Tout part de là : du diagnostic. Qu’il s’agisse de soigner mais aussi d’avancer, à petits pas, vers de nouveaux protocoles dans les traitements du cancer. Quentin Pascal, vétérinaire spécialisé en anatomie pathologique, consacre toute son énergie chez OCR à traquer les cellules malignes. « C’est une discipline assez fascinante : on n’est pas au chevet du malade, mais avec le microscope, on peut identifier et expliquer comment à l’échelle de la cellule, la maladie se manifeste et de ce fait, documenter l’approche clinique rapportée par les vétérinaires praticiens ». Simples et efficaces, les outils de travail d’un « anapath » sont le microscope et la biopsie, « un fragment, une pièce de tissu animal ou humain qui a été retirée par un praticien, comme par exemple une petite biopsie de peau avec un grain de beauté suspect, une lésion cutanée ou bien encore un morceau d’organe interne ».
Pas besoin donc que Sam rencontre Quentin pour identifier le mal qui le ronge : une biopsie indolore, pratiquée sans stress par son véto préféré, suffit pour démasquer sa vilaine tumeur ! C’est le début de la solution...
Chaque jour, Quentin Pascal reçoit, de la part des cliniques vétérinaires généralistes, des prélèvements conservés dans des petits pots de formol. On peut tordre le cou illico à toutes les mauvaises langues ou idées préconçues : chaque biopsie qui passe entre les mains de Quentin provient d’un animal malade pour un diagnostic demandé par un vétérinaire. Si d’aventure, la question insidieuse se pose « ces biopsies ne viendraient pas, à l’occasion, par hasard, de pauvres animaux de laboratoire ?», la réponse du pathologiste est aussi tranchante que les lames qu’il observe à longueur de journée : « NON ! Cela est contraire à l’éthique d’OCR et n’entre pas dans le cadre de notre activité ».
Au panier les mauvais esprits médisants : Sam, son propriétaire et son véto sont sereins !
Essayons plutôt de comprendre le « job » de ce scientifique passionné! Car OCR est un laboratoire de diagnostic un peu atypique. A la différence du « labo classique » où le vétérinaire envoie un prélèvement pour lequel l’anapath rendra un diagnostic, chez OCR, l’anapath va plus loin. « Je suis intégré à l’équipe des chercheurs d’OCR et j’interviens aussi dans tout le processus et dans toute la chaîne des études cliniques ». Il assure donc tout un travail de suivi de l’évolution de la maladie.
Sam est entre de bonnes mains qui sont à la recherche d’une solution pour soulager et soigner le patient chien. C’est l’objectif des « études cliniques », deux mots qui font parfois résonner la peur aux oreilles du non-initié alors qu’ils devraient rassurer tellement ces « études » sont encadrées !
« Grâce à ces études, nous développons une expertise pointue en cancéro. Pour ça, on met au point beaucoup d’outils secondaires dont ne dispose pas un anapath classique, comme l’immunomarquage qui est une technique de détection et de diagnostic beaucoup plus fines que le simple travail au microscope. L’immunohistochimie va aider à détecter des marqueurs à l’échelle d’une cellule : exemple, les lymphomes qui sont soit de type B ou T. Au microscope, impossible de faire la différence. Grâce aux immunomarquages, on va avoir des marqueurs spécifiques des lymphocytes B ou des lymphocytes T. La réponse au diagnostic sera plus précise ainsi que le pronostic et le traitement qui suivront».
Le profane comprendra difficilement que tous les labos ne fonctionnent pas ainsi ! Question de positionnement car on apprend qu’évidemment, ces techniques de pointe sont couteuses et chronophages...
« Chez OCR, ça a été une vraie volonté de développer cet outil au départ parce que c’est quasi indispensable en cancérologie pour progresser. Finalement une tumeur ressemble toujours à une autre tumeur : si on est juste équipé d’un microscope, sans outils connexes, on sera un peu démuni et difficilement précis. Plus la recherche en cancéro et en oncologie avance, plus c’est essentiel. La connaissance à l’échelle cellulaire et tous ces nouveaux marqueurs qui sont en cours de développement chez l’homme (mais qu’on ne connaît pas encore si bien que ça chez l’homme !), on ne les connait pas du tout chez le chien ! ».
Sur ce coup-là, on peut dire que Sam « a du bol » ! Cette fois, c’est la recherche en cancérologie humaine qui mène la danse et fait avancer la recherche en cancérologie animale. Mais l’animal le lui rend bien : l’idée portée par OCR de faire avancer la recherche sur le chien et le l’homme en même temps ne sort pas du chapeau d’un idéaliste. Car les similitudes sont nombreuses. Jugez plutôt l’exemple commenté par l’anapath : « On a beaucoup travaillé, et on travaille encore beaucoup sur les mélanomes développés par le chien qui sont les mêmes que l’homme. C’est hyper intéressant de constater que le comportement biologique de ces tumeurs est assez proche de celui de l’homme. Il y a pas mal de modèles de tumeurs qui montrent que les maladies humaines et canines sont très proches. Du coup, le chien est un animal « intéressant » dans l’étude des tumeurs. Parce que, comme il a une durée de vie plus courte que l’homme, les maladies vont évoluer généralement plus vite que chez l’homme. C’est à la fois triste et intéressant parce que l’évolution de la maladie et le temps de réponse vont être plus rapides, que ce soit pour un traitement ou pour l’avancée de la maladie ». On comprend beaucoup mieux le concept de recherche en oncologie comparée qui anime OCR : « on rêve, on crée, on développe une recherche, une médecine qui profite à tous ».
Retour à Sam, au microscope et aux lames de la biopsie qui, préparée en très fines tranches de 4/1000e d’épaisseur, sera disséquée par l’œil expert de Quentin vissé au microscope : « Les couches qui ont été colorées sont suffisamment fines pour laisser passer la lumière et me permettre de déceler ce qu’il s’y passe. Quelquefois on reconnait de suite l’entité et la maladie, mais parfois on galère : d’où l’importance des marquages qui lèvent les doutes ! »
Tandis que la lecture de l’analyse repart chez le vétérinaire prescripteur, Quentin coiffe sa « seconde casquette d’anapath chercheur ». Constamment en veille pour l’équipe clinique d’OCR avec laquelle il communique beaucoup, il s’attache à repérer des « patients chiens » qui pourraient bénéficier à la fois des soins prodigués par une étude en cours (ou à venir) encadrée par OCR. Charge après au vétérinaire traitant de proposer au propriétaire de l’animal ces thérapies innovantes et de valider avec OCR toutes les modalités pratiques de l’étude. « Quentin l’anapath » n’endosse jamais l’habit du vétérinaire (qu’il est pourtant !) auprès des propriétaires qui l’appellent :
« Ce n’est pas mon rôle de commenter mon propre résultat : c’est au vétérinaire de l’interpréter à la lumière de toute la présentation clinique. C’est exactement comme pour interpréter une radio : si on voit que c’est cassé, c’est net. Cependant, on a parfois besoin de toutes les informations de la clinique pour conclure. Moi j’ai un petit bout de 3mm sur 3 mm et le vétérinaire a tout le chien ! C’est au généraliste en fonction de tous les signes cliniques qu’il a vu, du résultat de la radio, du bilan sanguin, d’intégrer tout ça, de répondre et de conclure». Sam est arrivé « pile-poil » au bon moment : sa mésaventure a toutes les chances de filer aux oubliettes grâce aux soins de son vétérinaire épaulé par OCR.
Une fois le diagnostic posé, tous les prélèvements sont conservés sous forme de blocs de paraffine archivés ad vitam aeternam dans la biobanque. Obligation légale de bonne intelligence si l’on écoute « l’anapath-chercheur » : « Dans le suivi d’une maladie, je peux avoir besoin de retourner sur un cas, et redemander des lames supplémentaires. Sans compter qu’en plus de l’activité en lien avec l’équipe de recherche clinique, on a aussi nos projets de recherche en interne : je reviens sur l’exemple des mélanomes qui nous motive beaucoup parce que c’est une tumeur fréquente chez le chien, que c’est une tumeur grave chez le chien comme chez l’homme, et qui montre beaucoup de points communs entre les mélanomes canins et les mélanomes humains. Sur ce sujet de recherche très intéressant, on a collecté au fur et à mesure de l’histoire d’OCR de nombreux échantillons de mélanome, et on travaille actuellement pour essayer de caractériser encore plus finement ces tumeurs chez le chien et montrer à quel point elle ressemble énormément à celle de l’homme ».
Et ce n’est pas l’activité qui manque pour cet anapath qui traite entre 200 à 300 analyses par mois ! «En réalité, je réalise entre 15 et 20 diagnostics par jour, avec toujours des petits trucs supplémentaires, et en gérant aussi tout le suivi des études. C’est hyper stimulant d’avoir cette double casquette de diagnostic : d’aider un patient à un instant T et de se dire qu’il y a cet aspect « court- termiste » du diagnostic urgent et en même temps à long terme la démarche de recherche qui pourrait guérir le cancer - n’exagérons rien, bien prétentieux celui qui dira ça - au moins d’apporter une petite brique à ce grand édifice de la recherche contre le cancer ».
Epilogue qui incite à prêter main forte à cette équipe qui veille à la fois au mieux-être de nos chiens frappés par un cancer, à ne pas baisser les bras devant la maladie et œuvrer ensemble à des lendemains meilleurs pour tous. Sam le vaut bien !
Propos recueillis par L. Caron-Verschave
A découvrir la semaine prochaine :
* Episode 3 : Quand Sam rencontre Dominique...
Et très prochainement Sam dans les Episodes 4 / 5 / 6