Les animaux sauvages, tout comme certains animaux domestiques, possèdent une remarquable capacité à prévenir et à soigner naturellement leurs maladies. Cette faculté d’automédication, longtemps observée dans la nature, attire aujourd’hui l’attention des chercheurs. Le biologiste néerlandais Jaap de Roode, professeur à l’Université d’Atlanta, consacre son ouvrage Nos plus grands médecins (Éditions LLL) à ce fascinant domaine où la nature devient source d’inspiration médicale.
Une médecine naturelle héritée de l’observation
De nombreuses espèces ont développé des comportements médicinaux pour se protéger des parasites et des infections. Les papillons monarques, par exemple, pondent leurs œufs sur des plantes toxiques qui permettent à leurs larves d’éviter certains parasites. Les singes consomment davantage de baies amères dans les zones infestées, tandis que certaines fourmis transportent dans leur nid de la résine antiseptique afin de limiter la prolifération de bactéries et de champignons.
Les dauphins, quant à eux, se frottent contre des éponges et des coraux aux propriétés antimicrobiennes, même si les scientifiques débattent encore de la fonction exacte de ce comportement. Ces observations montrent combien la frontière entre jeu, instinct et véritable soin est parfois ténue dans le monde animal.
Une biodiversité précieuse, véritable laboratoire naturel
La nature regorge d’exemples de remèdes inspirés des animaux. L’aspirine, par exemple, trouve son origine dans l’écorce consommée par les ours pour apaiser les inflammations après l’hibernation. De même, la propolis produite par les abeilles possède de puissantes propriétés antivirales et antibactériennes. Les humains, en modifiant l’habitat ou en retirant cette substance des ruches, ont parfois affaibli les capacités de défense naturelle des abeilles.
Cette interconnexion souligne combien la préservation de la biodiversité est essentielle : chaque espèce représente une source potentielle de découverte thérapeutique.
Les animaux domestiques et d’élevage : redonner accès à l’instinct de soin
Les animaux vivant aux côtés des humains disposent eux aussi d’une forme d’intelligence médicinale. Les chiens, par exemple, se purgent en mangeant de l’herbe pour soulager leur système digestif, tandis que les chats se roulent dans l’herbe à chat pour se protéger des insectes nuisibles. Ces comportements, souvent perçus comme anodins ou inutiles, traduisent en réalité un savoir instinctif fondé sur l’expérience biologique.
Chez les animaux d’élevage, ce potentiel est encore trop peu exploité. Dans un système industriel standardisé, ils n’ont pas toujours la possibilité de choisir les aliments ou les plantes dont ils ont besoin pour se maintenir en bonne santé. Favoriser leur autonomie alimentaire, en leur donnant accès à une diversité de ressources, permettrait de restaurer une forme d’équilibre naturel et de réduire la dépendance aux traitements médicamenteux.
Une intelligence adaptative fondée sur le risque et le bénéfice
Les animaux qui s’automédiquent font preuve d’une véritable capacité d’évaluation. Ils sélectionnent des substances potentiellement nocives mais bénéfiques à faible dose, un mécanisme comparable à l’usage humain des médicaments aux effets secondaires connus. Les chimpanzés, par exemple, consomment parfois des feuilles amères qui éliminent les parasites intestinaux, malgré le danger que représenterait une ingestion excessive.
Pour déterminer si un comportement relève réellement de l’automédication, les scientifiques s’appuient sur quatre critères : il doit améliorer la santé de l’animal, impliquer l’usage de ressources externes, être effectué de manière délibérée et s’avérer nuisible à l’animal s’il était en bonne santé.
Une source d’inspiration pour la médecine humaine
Les recherches sur l’automédication animale démontrent que la nature regorge de solutions thérapeutiques encore inexplorées. En observant comment les espèces s’adaptent, se protègent et se soignent, les scientifiques découvrent de nouveaux principes actifs, tout en réévaluant notre rapport aux autres formes de vie.
Cette "pharmacie vivante" rappelle que les animaux possèdent une intelligence bien plus développée que nous le croyons, et que comprendre leurs stratégies de soin pourrait enrichir la médecine humaine autant qu’elle contribue à la préservation du vivant.
Source : RTBF.be